vendredi 30 janvier 2015

Requiescat in pace


Le caractère paternel de la royauté, la solidarité du prince et des sujets étaient présents et soulignés dans et par la thèse du « corps mystique ». Selon une doctrine communément reçue du début du XVe à la fin du XVIIe siècle, le royaume, le Roi et ses peuples étaient inséparables, à l'image de l'union du Christ et de l'Eglise dans les Epitres de saint Paul, car la théorie française du corps mystique était issue de l'Ecriture sainte.

Pour juristes et théologiens, le royaume capétien est un corps mystique, dont le Roi est la tête. Défendue par Jean de Terrevermeille (1419), cette idée se retrouve à la fin du XVIe siècle chez Guy Coquille: « Le Roi est le chef, et le peuple des trois ordres sont les membres, et tous ensemble sont le corps politique et mystique. » Ensuite le mot mystique va tendre à se raréfier, mais la notion subsiste.

Dans ses Instructions (1671) à son fils le Dauphin, Louis XIV s'écrira: « Nous devons considérer le bien de nos sujets bien plus que le nôtre propre... puisque nous sommes la tête d'un corps dont ils sont les membres. » Au reste, il ne s'agit point là d'une vue abstraite, mais d'une solidarité vivante et entendue comme telle: « Comme nous sommes à nos peuples, nos peuples sont à nous. » « Chaque profession contribue, en sa manière, au soutien de la monarchie », du prince régnant au plus humble artisan. Et pour mieux souligner son propos, Louis XIV parle du « métier » de Roi, appliquant audacieusement un mot vulgaire à la noble tâche du gouvernement: « Le métier de Roi est grand, noble et délicieux, quand on se sent digne de bien s'acquitter de toutes les choses auxquelles il engage; mais il n'est pas exempt de peines, de fatigues, d'inquiétudes. »



-François Bluche, L'Ancien Régime: Institutions et société

lundi 26 janvier 2015

Comment faire oraison


«  L'oraison n'est pas une prière vocale telle que l'Office divin, le chapelet. L'oraison n'est pas non plus la contemplation intellectuelle du théologien; l'oraison est une prière du cœur dans laquelle les actes d'amour tiennent lieu de mots.

L'oraison est une prière purement mentale dans laquelle, après quelques réflexions nommées "méditations", les actes de la volonté nommés "affections" doivent occuper la plus grande partie du temps.

Il est très utile de savoir faire oraison et de faire oraison, car l'oraison est le dialogue de l'âme avec Dieu le plus profond. Dieu est en elle et c'est en elle-même que l'âme le rencontre et qu'elle lui parle par le plus intime d'elle-même, son cœur. Elle y atteint un degré très élevé d'union à Dieu et une grande intensité d'amour. L'âme y progresse rapidement dans la perfection commencée par le baptême et qu'accompagne la vie sacramentelle et le combat spirituel contre nos défauts. Dieu, en effet, répond à l'amour de l'âme par un accroissement de vertus et des formes diverses de secours spirituels.

Oraison et méthodes d'oraison

 Il existe des méthodes d'oraison et des plans-guides de l'oraison. Si ces méthodes ne datent pas du XVIe siècle, elles y ont connu un regain d'intérêt. En effet, le De triplici via de saint Bonaventure est une méthode de méditation, d'oraison et il y est traité de la contemplation. Dans la sainte Eglise, les choses sont rarement absolument nouvelles et si l'on veut les juger telles, il faut, sous peine d'erreur, se garder de les rejeter pour la seule raison de leur nouveauté.

Tout directeur spirituel saura expliquer à ses dirigés les deux sages principes suivants:

a) Dans l'oraison, l'âme a toujours droit à sa liberté; la méthode est un instrument.
b) Une méthode est un guide temporaire, elle ne remplace pas le Saint-Esprit qui est le maître principal des âmes.

Les deux conditions préalables de l'oraison

L'efficacité de l'oraison et les délices qu'elle donne à l'âme exigent:

1) une fervente vie sacramentelle et
2) un combat spirituel soutenu.

L'oraison dirigée

Elle comprend trois parties:

I - Une préparation,
II - Le corps de l'oraison au cours duquel se font:
  1. la considération qui est l'exercice de la mémoire,
  2. la réflexion qui est l'exercice de l'intelligence,
  3. les affections qui sont l'exercice de la volonté-cœur
III - Une conclusion.

Plan de l'oraison - et des actes à faire pendant le temps de chaque partie de l'oraison.


- I -

Au cours de la préparation immédiate, il faut faire des actes:

  1. de foi en la présence de Dieu, présent surtout en nous;
  2. d'adoration de la très sainte Trinité et de Jésus-Christ
  3. d'humilité, de reconnaissance de notre petitesse et de dépendance, d'aveu de nos multiples péchés;
  4. de confiance dans l'aide du Saint-Esprit au cours de notre oraison;
  5. de demande d'accomplir la sainte volonté de Dieu pendant notre oraison;
  6. de résignation à la permission divine si notre oraison est aride.
 - II -

Voici les actes à faire au cours de l'oraison proprement dite, ou corps de l'oraison:

A - L'exercice de la mémoire ou considération consiste:
  1. à se souvenir du mystère de Jésus sur lequel on va faire oraison;
  2. à considérer les lieux, gestes, circonstances, les actes de Jésus;
  3. à se souvenir des paroles qu'il a prononcées, etc...
B - L'exercice de l'intelligence ou de la réflexion consiste, en procédant par questions mentales, à extraire des paroles, gestes, attitudes de Jésus toute la richesse, la beauté, la bonté divines et humaines de Jésus:
  1. Qu'est-ce-que Jésus a dit, a fait?
  2. A qui l'a-t-il dit, fait?
  3. Comment?
  4. Quand?
  5. Pour qui? Pourquoi?
 Remarque: le but de cette réflexion est de provoquer l'admiration qui content déjà de l'amour et conduit à l'amour.

C - L'exercice de la volonté et des affections consiste à aimer sans parole, par les différents actes d'amour:
  1. acte d'admiration pour Jésus, Dieu-Trinité;
  2. acte d'adoration de Jésus, de Dieu-Trinité;
  3. acte de réjouissance de tout ce qu'ils sont;
  4. acte de louange;
  5. acte de désir de l'action de Dieu en nous, de dégustation de la suavité de Dieu;
  6. acte de regret de tout ce en quoi nous nous sommes soustraits à Dieu;
  7. acte intérieur de dévouement envers Jésus et Dieu.
 - III -

La conclusion de l'oraison 

Elle comprend les actes suivants: 
  1. Jeter un regard rétrospectif sur la façon dont nous avons fait notre oraison et, selon les cas, s'excuser surtout ou remercier de sa grâce.
  2. Prendre les résolutions pour la journée. Remarque: la sainteté exige les vertus. Elles en sont de notre part d'élément capital, car l'amour pour Jésus s'exprime par l'imitation des vertus de Jésus.
  3. Puis il faut passer à la demande.
Notre-Seigneur veut que nous collaborions au salut des âmes; nous y collaborons par nos demandes en leur faveur, et il veut les exaucer:

a) il faut demander la grâce pour nous;
b) demander à Jésus de bénir nos intentions: présentons les grandes intentions générales et collectives en faveur de l'Eglise... du monde... de notre patrie... etc...
c) nos intentions particulières et privées...

Vous pouvez terminer par une prière à Marie notre avocate et un signe de croix. »



-Père Eugène de Villeurbanne, O.F.M. CAP.

samedi 24 janvier 2015

La croix de Maisonneuve

Tout tient de légende héroïque dans les débuts de Ville-Marie. A contempler ce fond d'histoire on dirait une fresque de primitif où tous les jours viendrait se fixer le geste d'un orante, un acte de martyrologe.

C'était la veille de Noël, la première année de la fondation. Les colons finissaient à peine les durs travaux des premiers établissements. Tout en se préparant à la lute contre le premier hiver, ils voyaient venir avec contentement ces longs mois de repos relatif. La guitare du colonel, celle-là même qui avait égayé les bûcherons, les soirs de travail, fredonnait depuis quelques jours les refrains du minuit.

Soudain un cri de terreur vient jeter l'alarme dans la petite bourgade: « Le déluge! le déluge! » La rivière Saint-Pierre, inquiétante depuis plusieurs heures, a tout à coup franchi ses rives et voici qu'elle se jette dans les prairies. Bientôt elle va déferler dans les fossés du fort; elle avance vers la palissade et vers les murs. Chargée de glaces et de débris de forêt, elle court avec une violence à tout briser. L'angoisse est au dernier point parmi les colons. Les huttes se vident; c'est un sauve-qui-peut général. La nuit, une nuit pleine d'incertitude et de menaces, vient ajouter à cette scène d'effroi ses terreurs mystérieuses. Personne ne ferme les yeux dans Ville-Marie, en cette nuit du 24 décembre 1642. Chacun guette, dans l'obscurité, la marche envahissante des eaux, et l'on se dit: « Si le fort est emporté, qu'adviendra-t-il de nous, sans logis, sans poudre, sans défense?  » Et la rivière monte, monte toujours, implacable.

Paul de Maisonneuve se souvint qu'il était le père de la petite bourgade française. Très simplement il fit le geste qu'on attendait de lui. Homme de foi avant tout, il conçoit l'idée de barrer le passage de l'inondation avec une croix. Les Pères approuvent le pieux projet. Mais puisque la vaillance et la foi sont vertus de la communauté à Ville-Marie, tous les colons s'unissent d'intention au fondateur. La croix de Maisonneuve se dresse bientôt, comme un rempart souverain, au bord de la rivière en révolte. Le chef de la petite colonie veut faire violence au ciel; à genoux au pied de sa croix, il fait voeu, si la colonie est sauvée, d'aller porter l'étendard au sommet du Mont-Royal.

La foi fit son œuvre. La rivière Saint-Pierre continua son ascension menaçante; elle alla lécher les palissades, mais s'arrêta au seuil du fort. Après quelques heures, domptée, pacifiée, la rivière rentrait dans son lit.

Le jour de l'Epiphanie, Maisonneuve se mit en voie d'exécuter son vœu. Le fondateur de Ville-Marie avait dans l'âme plus que la trempe du chevalier, il avait celle du croisé. Il faut reconnaître qu'il fut un merveilleux éducateur de peuple. Sa préoccupation la plus constante paraît être d'augmenter le capital de foi de ce petit peuple au berceau. Chaque jour et surtout aux circonstances graves, conscient de son rôle de chef, Maisonneuve veut agir au plus parfait, agrandir ses actes jusqu'aux dernières dimensions surnaturelles. Voici qu'il médite d'ajouter à l'exécution de son vœu un acte de la signification la plus haute. Le 6 janvier 1643, se déroula dans la chapelle de Ville-Marie, une cérémonie d'un caractère auguste et antique, une fête des temps de la chevalerie, alors que l'Eglise bénissait la vaillance et les épées. Maisonneuve se battait contre de nouveaux barbares, ennemis du Christ et de la civilisation chrétienne; comme les paladins de jadis, il demanda pour sa vaillance et pour son épée l'investiture de l'Eglise. Au moment où la procession allait se mettre en marche vers le sommet de la montagne, Maisonneuve vint s'agenouiller près de sa croix et demanda à être sacré chevalier. Un ministre de Dieu, devant l'assemblée émue, récita sur le paladin moderne la prière ancienne prononcée sur la tête des vieux croisés de France: « Seigneur, nous prions votre clémence infinie de protéger toujours et partout et de délivrer de tous les périls votre serviteur qui, selon votre parole, désire porter sa croix à votre suite et combattre contre vos adversaires pour le salut de votre peuple choisi. »

La procession s'ébranla. Ce fut une rude montée de Calvaire. Les colons de Ville-Marie s'en allaient à travers bois et neiges, par les sentiers mal battus. En tête marchait une troupe de pionniers, avec mission d'ouvrir et battre le chemin. Puis venait Maisonneuve chargé de la croix. A sa suite marchaient les colon, les uns armés du mousquet, les autres chargés des pièces d'un autel et des outils nécessaires à l'érection du calvaire. Le pèlerinage gravissait la rude pente, long ruban noir sur la neige blanche, pendant que, sous la voûte des arbres séculaires, frissonnaient les strophes mystiques de l'« O crux, ave spes unica! »

Enfin le sommet apparut. L'autel fut dressé. Le Père du Perron commença l’introït: « Ecce advenit
Dominator Dominus » Il y eut communion générale, puis le Père bénit la croix. « Elle dominait l'île entière comme un trophée, » disent les vieilles chroniques, « annonçant les futurs victoires du Christ. »
Peu de temps après l'érection, les Iroquois abattirent la croix de Maisonneuve. Quelques années plus tard, Marguerite Bourgeoys entreprit de la relever. Pendant longtemps l'emplacement de la croix primitive resta un terme de pèlerinage.

Sur quel point de la montagne fut-elle dressée? Etait-ce vraiment à l'endroit où elle brille encore aujourd'hui, dans le parc du séminaire, entre les hauts peupliers? Que nous importent les disputes des chercheurs? Il est des gestes qui ne s'effacent plus de l'horizon. La croix de Maisonneuve, aérienne et mystique, brille comme un « labarum »¹ sous le ciel du vieux Ville-Marie.



-Abbé Lionel Groulx


¹Le terme labarum renvoie à l'étendard qu'a arboré les troupes du futur empereur Constantin lors de la célèbre bataille du pont de Milvius. Il se composait des lettres grecques X (chi) et P (rho) superposées, ces dernières étant les premières lettre du mot Christ. La veille de la bataille, Constantin vu Jésus-Christ en songe, lequel lui dit que " par ce signe tu vaincras " (In hoc signo vinces). Il utilisa ce symbole comme son insigne et il le fit peindre sur les boucliers de ses soldats. Au lendemain, jour de la bataille, les troupes chrétiennes de Constantin furent victorieuses des légions de Maxence, lesquelles étaient doublement nombreuses.

jeudi 22 janvier 2015

De la sainteté de monseigneur Bourget

Monseigneur Ignace Bourget (1799-1885), second évêque du diocèse de Montréal. Après sa démission, en 1876, de la fonction d'évêque de Montréal, il reçu le titre d'archevêque de Martianopolis.
Dès son plus jeune âge, il manifesta toujours une grande compassion pour les plus démunis, ainsi qu'un constant zèle pour le salut des âmes. Ordonné prêtre pour l'éternité le 30 novembre 1822, il resta vraiment toute sa vie prêtre catholique, au sens le plus noble du terme. Il fut l'un des pères conciliaires au premier Concile du Vatican, lequel déclara le dogme de l’Infaillibilité.

Voici quelques lignes sur les miracles qui sont survenus par son intercession. Nous reviendrons plus tard sur sa vie et son œuvre.


Déjà au cours de sa vie, on attribue à Mgr Bourget une réputation de thaumaturge. Une sœur de la Miséricorde rapporte qu'un jour, une pauvre femme, venue de la campagne avec son enfant aveugle, demande à voir l'évêque. Celui-ci prie sur l'enfant, le bénit, puis demande aux religieuses de donner de la nourriture à lui et à sa maman. La religieuse ajoute: « Monseigneur était si coutumier de faveurs extraordinaires que l'on ne fut pas surpris de constater la guérison du petit, au moment où il se rendait au réfectoire. »
Chez les sœurs du Bon-Pasteur, on rapporte qu'une soeur souffrait depuis trois ans d'une extinction de voix, causée par une maladie du larynx. Son mal augmentait toujours. Le 10 février 1875, Mgr Bourget passe a monastère. Cette sœur se fait bénir avec les autres et demande sa guérison. « Monseigneur n'était pas rendu au parloir que notre chère sœur parlait parfaitement bien. Elle se rendit aux vêpres où elle psalmodia et chante le Magnificat avec une haute et claire voix, comme avant sa maladie. »

Une jeune sœur de la Providence ne se déplaçait qu'avec des béquilles et ne pouvait plus faire aucun travail. Un prêtre dit à Mgr Bourget: « Dites-lui de mettre de côté ses béquilles, et elle pourra travailler. » Sur la parole de l'évêque, la religieuse laisse ses béquilles, descend un long escalier pour accompagner Mgr Bourget jusqu'à sa voiture, puis s'en va travailler !

Une pauvre mère de famille était devenue aveugle. Son époux va trouver Monseigneur avec elle. Celui-ci leur dit de prier, comme il le ferait aussi de son côté. Le couple se rend à l'église, prie et reprend le chemin de la ferme. Les deux n'avaient parcouru qu'un bout de route quand la femme s'exclame: « Je vois ! » Faisant aussitôt demi-tour, ces gens, reviennent se jeter aux pieds de leur évêque pour exprimer leur émotion et leur reconnaissance.

Une femme devait être opérée pour un cancer du sein. En réponse à sa demande à l'aide, Monseigneur lui dit: « Demandez au docteur de remettre l'opération pour quelques jours, et nous ferons une neuvaine ensemble. » À la fin de la neuvaine, il n'y avait plus de cancer.
On rapporte aussi d'autres guérisons, comme un cas d'hydropisie, un autre d'eczéma. Ils manifestent la confiance que les gens avaient en Mgr Bourget, ce grand intercesseur auprès de Dieu pour les besoins de ses semblables. Même le médecin qui prenait soin de son évêque sur ses vieux jours atteste: « Dans un moment où j'étais découragé par la maladie incurable de mon épouse, Mgr Bourget a prié pour ma femme, et elle fut guérie. »

Au moment de ses obsèques, en présence d'une foule considérable, des personnes viennent toucher les restes mortels de l'évêque défunt. D'autres conservent précieusement le chapelet ou le médaillon qu'ils ont utilisé à cette fin. Une religieuse du Bon-Pasteur, qui a prélevé des fragments du cercueil, les fait tremper dans l'eau et demande à son frère, dont la vue était affectée, de se laver avec cette eau. Et il fut guéri.

La cathédrale Marie-Reine-du-Monde (autrefois nommé saint Jacques) est une des nombreuses constructions de monseigneur Bourget. On y voit ici clairement l'attachement de monseigneur de Montréal au siège de Pierre.


Bien des gens ont exprimé le désir de voir cet homme de Dieu reconnu saint par l'Église. Des démarches ont même été entreprises en vue de sa canonisation. Pour le moment, elles n'ont pas eu de suite, car une telle démarche suppose une étude approfondie de ce qui a été écrit par la personne. Or, nous savons que Mgr Bourget au cours de sa longue vie a beaucoup écrit...

Cela ne doit pas nous empêcher de l'associer à nos projets et à nos prières, comme beaucoup de ceux qui l'ont connu et d'autres par la suite, on su le faire. Terminons par les paroles de l'un de ses successeurs et grand admirateur, Mgr Gauthier, lors de l'inauguration du tombeau de Mgr Bourget en 1933:

« C'est par le développement harmonieux, sous l'action divine, de toutes ses ressources de nature et de grâce, qu'il s'apparente à l'âme des Saints. Il est de même ordre et de même climat. Il possède surtout ce par quoi les Saints se reconnaissent à vue d’œil: une faim, un appétit de prière, une union à Dieu, une intensité de charité surnaturelle qui font d'eux la parure et la Providence de l'humanité. Restons sur cette pensée; seule elle explique les œuvres et la vertu de Mgr Bourget; elle justifie amplement les hommages et la confiance dont nous entourons ses restes. »

mercredi 21 janvier 2015

Testament de Louis XVI

En ce jour du 21 janvier 2015, nous commémorons le 222eme anniversaire de l'affreux régicide de sa Majesté Louis XVI. Pour nous, Canadiens-français, cela est une date importante. Notre colonie fut fondée par cette monarchie millénaire. De François Ier à Louis XVI, en passant par Henri IV, Louis XIII, Louis XV et, bien sûr, Louis XIV, c'est la famille Capétienne de France qui a entrepris cette formidable aventure qu'est la Nouvelle-France. La Providence a voulu que la lourde tâche du salut des âmes, en Amérique septentrionale, incombe à la famille de France. Dans la très grande majorité des documents officiels qui traitent de notre sol, nous voyons incessamment la volonté claire des souverains à établir solidement la Sainte Religion en pays du Canada. Si nous fûmes tragiquement séparés par le traité de Paris en 1763¹, il ne faut pas oublier nos origines, notre langue et notre foi. Ce que tous les Durham, les Papineau, les Trudeau, les Institution Royale et les Révolution tranquille n'ont pu changer véritablement de fond en comble: nous sommes un peuple français et catholique, lequel a été institué par la Providence elle-même, via la maison de France et un dessin très clair de Dieu (fondation de Ville-Marie, etc.) 

Dans la conception royaliste de l'Etat, la nation s'incarne en la personne du roi: il est garant de nos droits, de nos libertés, de nos coutumes et de notre foi... Il est notre père à tous. 

Pour tous ces éléments, n’oublions pas d'offrir une prière aujourd'hui, afin d'obtenir le repos au roi très chrétien.

Enfin, selon le principe royal, l'adage est de dire: « Le roy est mort... vive le roy! »


Testament de Louis XVI
« Au nom de la très Sainte Trinité, du Père, du fils et du Saint Esprit. Aujourd’hui vingt-cinquième de décembre mil sept cent quatre vingt douze. Moi, Louis, XVIème du nom, Roi de France, étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille dans la Tour du Temple à Paris, par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même depuis le onze du courant avec ma famille. De plus impliqué dans un Procès dont il est impossible de prévoir l’issue à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi existante, n’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m’adresser. Je déclare ici en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments.

Je laisse mon âme à Dieu mon créateur, et je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d’après ses mérites, mais par ceux de Notre Seigneur Jésus Christ qui s’est offert en sacrifice à Dieu son Père, pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, et moi le premier.
Je meurs dans l’union de notre sainte Mère l’Église Catholique, Apostolique et Romaine, qui tient ses pouvoirs par une succession non interrompue de Saint Pierre auquel Jésus-Christ les avait confiés. Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le Symbole et les commandements de Dieu et de l’Église, les Sacrements et les Mystères tels que l’Église Catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n’ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d’expliquer les dogmes qui déchirent l’Église de Jésus-Christ, mais je m’en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m’accorde vie, aux décisions que les supérieurs Ecclésiastiques unis à la Sainte Église Catholique, donnent et donneront conformément à la discipline de l’Église suivie depuis Jésus-Christ. Je plains de tout mon coeur nos frères qui peuvent être dans l’erreur, mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en Jésus-Christ suivant ce que la charité Chrétienne nous l’enseigne.
Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés, j’ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester et à m’humilier en sa présence, ne pouvant me servir du Ministère d’un Prêtre Catholique. Je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, et surtout le repentir profond que j’ai d’avoir mis mon nom, (quoique cela fut contre ma volonté) à des actes qui peuvent être contraires à la discipline et à la croyance de l’Église Catholique à laquelle je suis toujours resté sincèrement uni de coeur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s’il m’accorde vie, de me servir aussitôt que je le pourrai du Ministère d’un Prêtre Catholique, pour m’accuser de tous mes péchés, et recevoir le Sacrement de Pénitence.

Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertance (car je ne me rappelle pas d’avoir fait sciemment aucune offense à personne), ou à ceux à qui j’aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu’ils croient que je peux leur avoir fait.
Je prie tous ceux qui ont de la Charité d’unir leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.

Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même que ceux qui par un faux zèle, ou par un zèle mal entendu, m’ont fait beaucoup de mal.

Je recommande à Dieu, ma femme, mes enfants, ma Soeur, mes Tantes, mes Frères, et tous ceux qui me sont attachés par les liens du sang, ou par quelque autre manière que ce puisse être. Je prie Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, mes enfants et ma soeur qui souffrent depuis longtemps avec moi, de les soutenir par sa grâce s’ils viennent à me perdre, et tant qu’ils resteront dans ce monde périssable.

Je recommande mes enfants à ma femme, je n’ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux ; je lui recommande surtout d’en faire de bons Chrétiens et d’honnêtes hommes, de leur faire regarder les grandeurs de ce monde ci (s’ils sont condamnés à les éprouver) que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l’Éternité. Je prie ma soeur de vouloir bien continuer sa tendresse à mes enfants, et de leur tenir lieu de mère, s’ils avaient le malheur de perdre la leur.

Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher.
Je recommande bien vivement à mes enfants, après ce qu’ils doivent à Dieu qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obéissants à leur mère, et reconnaissants de tous les soins et les peines qu’elle se donne pour eux, et en mémoire de moi. Je les prie de regarder ma soeur comme une seconde mère.

Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’éprouve. Qu’il ne peut faire le bonheur des Peuples qu’en régnant suivant les Lois, mais en même temps qu’un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son coeur, qu’autant qu’il a l’autorité nécessaire, et qu’autrement, étant lié dans ses opérations et n’inspirant point de respect, il est plus nuisible qu’utile.

Je recommande à mon fils d’avoir soin de toutes les personnes qui m’étaient attachées, autant que les circonstances où il se trouvera lui en donneront les facultés, de songer que c’est une dette sacrée que j’ai contractée envers les enfants ou les parents de ceux qui ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi. Je sais qu’il y a plusieurs personnes de celles qui m’étaient attachées, qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le devaient, et qui ont même montré de l’ingratitude, mais je leur pardonne, (souvent, dans les moment de troubles et d’effervescence, on n’est pas le maître de soi) et je prie mon fils, s’il en trouve l’occasion, de ne songer qu’à leur malheur.
Je voudrais pouvoir témoigner ici ma reconnaissance à ceux qui m’ont montré un véritable attachement et désintéressé. D’un côté si j’étais sensiblement touché de l’ingratitude et de la déloyauté de gens à qui je n’avais jamais témoigné que des bontés, à eux et à leurs parents ou amis, de l’autre, j’ai eu de la consolation à voir l’attachement et l’intérêt gratuit que beaucoup de personnes m’ont montrés. Je les prie d’en recevoir tous mes remerciements ; dans la situation où sont encore les choses, je craindrais de les compromettre si je parlais plus explicitement, mais je recommande spécialement à mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnaître.

Je croirais calomnier cependant les sentiments de la Nation, si je ne recommandais ouvertement à mon fils MM de Chamilly et Hue, que leur véritable attachement pour moi avait portés à s’enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes. Je lui recommande aussi Cléry des soins duquel j’ai eu tout lieu de me louer depuis qu’il est avec moi. Comme c’est lui qui est resté avec moi jusqu’à la fin, je prie MM de la Commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse, et les autres petits effets qui ont été déposés au Conseil de la Commune.

Je pardonne encore très volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi. J’ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes, que celles-là jouissent dans leur coeur de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser.

Je prie MM de Malesherbes, Tronchet et de Sèze, de recevoir ici tous mes remerciements et l’expression de ma sensibilité pour tous les soins et les peines qu’ils se sont donnés pour moi.

Je finis en déclarant devant Dieu et prêt à paraître devant Lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi. »


-Louis
 




¹ Il est dit que Louis XV pleura amèrement la perte de son peuple de Nouvelle-France (François Bluche).



-Frère Ignace de la Croix

L'attitude de Notre Seigneur, d'après l'Évangile

On trouve dans l'Évangile de nombreux faits qui prouvent l’intransigeance de Notre Seigneur lorsqu'il s'agit de la doctrine, c'est-à-dire de la Vérité. En présence de la misère humaine, Jésus a toujours été d'une bonté infinie. Il suffit de citer les noms de Zachée, de Marie Madeleine, de la femme adultère, du bon larron, etc...
Par contre, quelle rigueur, quelle intransigeance envers les Pharisiens! Comment expliquer son comportement si sévère, si dur même avec ces derniers? Avec les premiers, il ne s'agissait que de misères morales, ne mettant pas en cause la doctrine.

Après le miracle de la multiplication des pains

« Les Juifs murmuraient alors à son sujet, parce qu'il avait dit : « Je suis le pain vivant... Je suis descendu du ciel... » « Comment celui-ci peut-il donner sa chair à manger? » Et les Juifs s'écriaient : «Cette parole (c'est-à-dire : cet enseignement, cette doctrine) est dure et qui peut l'écouter? « Et beaucoup se retirèrent et n'allaient plus vers lui. » Non seulement Notre Seigneur ne les a pas retenus et n'a rien fait pour garder cette clientèle, mais s'adressant à ses apôtres, « Et vous aussi, vous voulez vous en aller? » Vous le voyez comme moi : Quand il s'agit de la doctrine, aucune concession ne peut être faite.

Le soir du Jeudi-Saint
Avec les seconds, le Christ Jésus se heurtait à une résistance doctrinale. Devant ce pêché de l'esprit, Jésus est intraitable et il va jusqu'à la malédiction : « Malheur à vous, Pharisiens hypocrites!... » Jésus, de toute façon, n'a toléré l'erreur chez personne, même chez les gens de bonne foi et de bonne volonté. Voici trois exemples, qu'il suffit simplement d'évoquer :

Prenons le deuxième exemple dans la scène du lavement des pieds aux Apôtres, le jour du Jeudi-Saint. L'Apôtre Simon-Pierre ne veut pas que Jésus lui lave les pieds... Et Notre Seigneur de répliquer à Simon-Pierre : « Si tu n'acceptes pas que je te lave les pieds, tu n'auras pas de part avec moi», c'est-à-dire : « tu seras jeté dans les ténèbres extérieures, là où sont les pleurs et les grincements de dents. » Donc « tu n'iras pas au ciel avec moi. »

À la montée du Calvaire, le Vendredi-Saint

Enfin, dans le troisième exemple, il s'agit de se souvenir de l'attitude de Jésus en présence des femmes d'Israël qui pleurent en suivant Jésus sur la route du Calvaire. Au lieu de les remercier de leur courage et de la pitié qu'elles manifestent à Jésus par un tel attachement à la personne de Notre Seigneur, Jésus attire leur attention sur un autre point essentiel : «Ne pleurez pas sur moi! Pleurez surtout sur vous-mêmes et sur vos enfants.»

Bien-fondé de l’intransigeance


Pourquoi cette intransigeance et si peu de souplesse? Tout simplement parce qu'il s'agit de la doctrine. Pour Jésus, la tolérance de l'erreur, c'est déjà la trahison. Et pour nous, ce ne serait pas trahir, que de tolérer l'erreur dans les cérémonies liturgiques sous le prétexte qu'il ne faut pas se singulariser, quand, dans le tréfonds de soi-même, on désapprouve ces cérémonies? Et on fera souvent les mêmes gestes que les autres, ou bien les mêmes prières et on sera obéissant dans l'accomplissement des nouveaux rites, entièrement désacralisés et fabriqués pour le culte de l'homme! car il faut prouver à tous qu'on met en pratique la nouvelle religion exprimée par ces paroles : « et nous aussi, nous avons, plus que quiconque, le culte de l'homme ».

mardi 20 janvier 2015

L'Immaculée: mère, médiatrice et dispensatrice de toutes les grâces

Marie, Mère de Dieu, non seulement est la plus proche de Dieu et participe comme il n'est donné à personne à la grâce dont Dieu est la source [451], mais elle est aussi si ineffablement unie à lui qu'elle en est l’Épouse: en elle et par elle, Dieu engendre très chastement la grâce. L'Immaculée, dit le père Kolbe, « est unie de manière ineffable à l'Esprit-Saint, par le fait qu'elle est son Épouse, mais elle l'est dans un sens incomparablement plus parfait que ce que ce terme peut exprimer chez les créature ». C'est une union intérieure très chaste qui donna lieu à une vie divinement féconde : « Comment décrire cette union? Elle est avant tout intérieure, c'est l'union de son être avec l'être de l'Esprit-Saint. L'Esprit demeure en elle, vit en elle, et cela dès le premier instant de son existence, toujours et pour l'éternité. En quoi consiste cette vie de l'Esprit-Saint en elle? Lui-même est amour en elle, l'amour du Père et du Fils, l'amour avec lequel Dieu s'aime lui-même, l'amour de toute la Très Sainte-Trinité, un amour fécond, une conception. Dans les ressemblances créées, l'union d'amour est la plus étroite. La sainte Écriture affirme que dans le mariage ils seront deux en une seule chair (cf. Gn. 2, 24), et Jésus souligne : « C'est pourquoi ils ne sont plus deux, mais une seule chair » (Mt. 19, 6). D'une façon plus rigoureuse, sans comparaison, plus intérieure, plus essentielle, l'Esprit-Saint vit dans l'âme de l'Immaculée, dans son être et la féconde et cela dès le premier instant de son existence pour toute sa vie, c'est-à-dire pour toujours. Cette Conception Immaculée incréée conçoit de façon immaculée la vie divine dans le sein de son âme à elle, Immaculée Conception. Et le sein virginal de son corps (de l'Immaculée) lui est réservé (au Saint-Esprit) pour qu'Il y conçoive dans le temps – comme tout ce qui est matériel advient dans le temps – la vie même de l'Homme-Dieu.

Ce n'est pas tout : « L'Esprit-Saint, le divin Époux de l'Immaculée agit seul en elle et, à travers elle, il communique la vie surnaturelle, la vie de la grâce, la vie divine, la participation à l'amour divin, à la divinité. Le père Kolbe peut en tirer toutes les conséquences : « Par cela, justement, elle est devenue Médiatrice de toutes les grâces; précisément par cela, elle est vraiment la Mère de toute grâce divine », « […] la Médiatrice de toutes les grâce de l'Esprit-Saint »; médiatrice « de toutes les grâces, parce qu'elle appartient à l'Esprit-Saint, en raison de la plus intime et vitale union à l'Esprit-Saint. Voilà pourquoi, par elle, on va à Jésus-Christ et au Père ». Et aussi : « L'Immaculée est la mère de toute notre vie surnaturelle, parce qu'elle est la Médiatrice des grâces, ou plutôt la Mère de la grâce divine. Donc, elle est notre mère dans la sphère de la grâce, dans la sphère du surnaturel. »

On trace ainsi ce que nous pourrions appeler le circuit habituel de la grâce, circuit montant et descendant : « … comme la grâce vient à nous du Père par le Fils et l'Esprit-Saint, ainsi, à bon droit, les fruits de cette grâce montent de nous au Père en ordre inverse, ou encore par l'Esprit-Saint et le Fils, c'est-à-dire par l'Immaculée et Jésus. C'est cela le prodigieux prototype du principe d'action et de réaction, égal et opposé, comme l'expriment les sciences naturelles. » C'est la « voie » unique, obligée, inéluctable : « Du moment où s'est réalisée cette union (de l'Immaculée avec l'Esprit-Saint), l'Esprit-Saint n'accorde aucune grâce, le Père ne fait descendre par le Fils et l'Esprit-Saint, la vie surnaturelle dans l'âme qu'en passant par la Médiatrice de toutes les grâces, l'Immaculée, av
ec son assentiment, avec sa collaboration. Elle reçoit tous les trésors de grâce, en propriété, et les distribue à qui elle-même le veut et dans la mesure où elle le veut. »

La pensée du Père Kolbe, comme on le voit, est très claire : c'est dans l'Immaculée et par l'Immaculée que l'on acquiert la grâce et c'est l'Immaculée qui la distribue. L'Immaculée s'insère dans la « chaîne », à son poste et dans
sa fonction de créature, sans aucun détriment pour la dignité et la nécessité absolue de l’œuvre du Christ. Il faut garder cet ordre et cette subordination d'êtres et de tâches présents à l'esprit de façon cohérente, même dans la dévotion pratique.


451. " Plus on est proche du principe, en n'importe quel genre, plus on participe de son effet [...] Or, la Vierge Marie fut la plus proche du Christ selon l'humanité [...] Et c'est pourquoi elle devait obtenir du Christ, plus que tous les autres, plénitude de grâce. " (D'AQUIN, THOMAS (SAINT), Somme Théologique, III, q. 27 a. 5).



-Avec l'Immaculée et le père Maximilien Kolbe contre les "ennemis" de Dieu et de l'Église, père Antonio M. Di Monda O.F.M. Conv., Courrier de Rome, 1986, p. 133-136.

lundi 19 janvier 2015

L'Eglise du Christ face à ses ennemis

Elle nous effraie, nous remplit de crainte et de sombres pensées, cette vague noire de la haine qui submerge aujourd'hui l'Eglise catholique...

Les premiers ennemis de l'Eglise furent les juifs incrédules. Ils crucifièrent le Christ et pensèrent pouvoir détruire facilement son œuvre dans son germe. Et ainsi se jetèrent-ils avec un acharnement dont eux seuls sont capables sur les premiers chrétiens; calomnies, emprisonnements, bannissements, lapidations... Ainsi mourut saint Etienne. Mais l'Eglise ne périt pas pour autant.

Ensuite les païens s'efforcèrent d'arracher le jeune sarment du Christ. Que ne s'est-il pas passé à Rome pendant les trois premiers siècles, avec quelle cruauté ceux qui confessaient le nom du Christ ne furent-ils pas traités par les empereurs romains Néron, Domitien, Trajan, Marc-Aurèle, Dioclétien et Julien l'Apostat! Cela peut à peine s'exprimer par des mots. Ce peuple, qui croyait que les chrétiens étaient la cause de toute les catastrophes, les avait à sa merci. Ainsi criait-on: « Les chrétiens aux lions! » Les prêtres païens soulevaient le peuple, les philosophes attisaient cette haine, le sang coulait à flots, mais de ce sang sortir non pas la destruction de l'Eglise, comme le pensaient vainement les païens, mais un développement toujours plus puissant, et une prospérité toujours plus florissante: « Le sang des martyrs est une semence de chrétiens », affirmait Tertullien, contemporain de cette époque.

Les persécutions étaient à peine finies que se produisit une nouvelle catastrophe, bien plus dangereuse encore: l'arianisme. Cette hérésie submergea si violemment le monde fraîchement rené au christianisme, que tous les peuples l'adoptèrent, même les empereurs byzantins. Ceux-ci non seulement l'embrassèrent, mais encore utilisèrent tout leur puissance pour l'étendre, ils chassèrent les évêques catholiques et établirent des évêques ariens dans les évêchés devenus vacants. Un écrivain contemporain dit que le monde entier, un beau matin, se réveilla non plus catholique mais arien. Aujourd'hui, il n'y a plus de traces de cette secte, tandis que l'Eglise existe toujours. D'autres sectes apparurent: macédoniens, monophysites, nestoriens, monothélites, mais de ces sectes il reste à peine quelques traces.

Plus dangereux fut l'effort des empereurs byzantins pour exercer sur l'Eglise la plus grande influence possible. Que de persécutions et de peines vinrent de ce « césaro-papisme », comme l'histoire le nomme. Plus tard, les empereurs allemands reprirent à leur compte cette même pensée: les Othons, Henri IV, Frédéric Barberousse, Henri VI, et surtout Frédéric II; eux tous voulurent absolument exercer leur domination sur l'Eglise. Et pourtant ils tombèrent tôt ou tard, rencontrés par l'indestructible pouvoir de l'Eglise. Un sort semblable échut plus tard à leur imitateurs: Joseph II, Napoléon etc. L'Eglise était supérieure même à ce dernier!

Mais les coups les plus douloureux sont ceux que l'Eglise reçut des scandales et divisions internes, qui l'opprimèrent déjà au IXe et Xe siècles. Les évêques étaient souvent des courtisans et des guerriers plutôt que des serviteurs de Dieu; même quelques papes se rendirent indignes de leur fonction de vicaire du Christ. Puis vinrent ces années douloureuses, où il y avait deux voire trois papes, qui se combattaient mutuellement, bien qu'évidemment, il n'y ait eu qu'un seul vrai pape. Ce furent des temps terribles pour l'Eglise! Toute autre institution eût croulé sous la cendre et les décombres. Mais l'Eglise réchappa de tout cela et ne s'effondra pas. Le monde entier avait juré sa destruction, mais la promesse du Christ ne fut pas démentie.

Le XVIe siècle fut témoin de l'apparition sur scène de Luther, Calvin, Zwingli, Henri VIII, et de bien d'autres encore. Les hérésies mirent en morceaux le corps de l'Eglise. Des pays et des nations entières succombèrent. Jusqu'à aujourd'hui encore, il y a différents pays où l'on ne rencontre presque plus aucun membre de l'Eglise. L'Eglise elle-même, cependant, ne tomba pas, elle continua à rester debout; bien plus, même après de telles pertes, elle connut une nouvelle prospérité, et fut encore plus puissante qu'auparavant. Elle se tourna vers les païens pour les convertir, et reçut en son sein des millions d'hommes.

Le protestantisme introduisit un relâchement moral. L'effort de la secte appelée jansénisme était directement contre nature. Eux aussi, voulaient décider de tout: le rire, la joie, la gaieté, d'après eux, tout cela était une trahison de l'esprit du Christ... Mais eux aussi passèrent!

Le XVIIIe siècle porta à l'Eglise les coups les plus durs: le rationalisme, qui y prospéra, combattait maintenant non plus simplement contre tel ou tel dogme de la religion, mais contre la religion en tant que telle. L'incrédulité! L'homme créé uniquement pour un bonheur terrestre! Non pas créé, mais... apparu on ne sait comment, pas hasard. Pour le libérer de toute responsabilité, il est bien entendu... qu'il descend du singe. Un singe n'a pas besoin de religion, un singe ne sera pas jugé. Principes agréables, certes, mais aussi combien dégradants!

Aujourd'hui, les rationalistes continuent à faire du bruit. Mais à présent ils remplacent la religion par le spiritisme, l'hypnose etc., et combattent l'Eglise! Mais celle-ci, indestructible, immuable, reste toujours debout. Autour d'elle, tout passe: non seulement les institutions les plus géniales, mais aussi les pays et les peuples; quant à elle, elle demeure. C'est stupéfiant!

Et ainsi elle surmonte également les attaques actuelles. Ses membres pris particulièrement peuvent faillir, s'ils n'ont garde de rester en une intime union avec l'Eglise; mais l'Eglise elle-même ne tombera jamais. Plus encore, des pays entiers peuvent se séparer de cet unique bercail du Christ conduisant au salut..., mais le bercail lui-même, l'Eglise, ne sera jamais détruit.



-Père Maximilien Kolbe, O.F.M.

dimanche 18 janvier 2015

Saint Jean de Capistran

« Mais la grande merveille de Jean de Capistran, celle qui va devenir le couronnement de sa glorieuse vie, celle qui, dans l'histoire de l'Eglise, le classe parmi les héros chrétiens, c'est la célèbre victoire qu'il remporta à Belgrade sur les Turcs, en 1456.
Constantinople venait de tomber au pouvoir des Musulmans. C'était la destruction, le carnage, la barbarie qui menaçaient l'Europe désunie, indécise, insouciante et plongée dans un état de dépression générale.

En vain le Vicaire de Jésus-Christ avait-il jeté le cri d'alarme; en vain consacrait-il à équiper des troupes les dîmes du clergé, les trésors de l'Eglise, l'or des vases sacrés: les rois le trahissaient ou faisaient mine de ne pas entendre sa voix.

"Nos rois sommeillent et les peuples languissent, écrivait à Capistran le Légat du Pape, Aénéas Sylvius, nous cédons tous à la tempête. Les chefs des nations sont timides et divisés; reprenez leur paresse, leur orgueil, leur avarice."
Jean de Capistran seul ne désespérait pas. "Moi, petit ver de terre, répondait-il au Souverain Pontife, je me prosterne aux pieds de Votre Sainteté afin qu'elle dispose de moi. Bien qu'accablé de vieillesse et n'ayant à offrir ni or ni argent, j'ai résolu d'exposer ma vie et de donner mon sang pour le Nom du Christ".

Ecrire et parler, lutter et mourir, Jean de Capistran y était prêt. Ses lettres aux princes se succèdent sans interruption. Il fait appel à leur foi, à leur honneur, à leur courage, à l'intérêt de leurs états. Puis il se met à parcourir la chrétienté. L'Allemagne, il est vrai, resta sourde à sa parole; mais la Hongrie se décida à la sainte croisade.

Il était temps. Les Turcs, avec une formidable armée, s'avançaient pour assiéger Belgrade. Capistran se hâte d'enrôler les Croisés dont Jean de Hunyade, vaillant capitaine, est le général. Tous, cependant, chef et soldats, d'obéir à Capistran "comme un novice à son supérieur".
Un signe d'En-Haut prédit la victoire. Pendant que Jean célèbre la Sainte Messe, une flèche tombe du ciel sur l'autel. Elle portait ces mots: "Jean, ne crains rien. Par la vertu de mon Nom, tu vaincras".

Jean impose la croix à tous ses combattants, fait peindre sur les étendards le nom du Christ et les images de saint François, de saint Antoine, de saint Bernardin.
Sous le signe de Dieu, la bataille va commencer. Au signal donné, les chrétiens se précipitent sur les Musulmans. Un effroyable choc se produit, une épouvantable mêlée s'engage. Le saint se jette au plus fort du combat répétant mille fois ce cri: "Victoire! Jésus, victoire!" Le nom de Jésus va se répercutant de lèvre en lèvre dans l'armée des Croisés, dont Il centuple les forces. Le saint voulait que devant ce Nom, qui doit tout faire fléchir, l'Islam s'enfuit, et il le vit s'enfuir.
Quatre mille chrétiens sortant soudainement de Belgrade sèment la panique dans les rangs ennemis: Mahomet est blessé et son armée, en déroute, laisse après elle sur le champ de bataille quelques 100,000 cadavres. La chrétienté était sauvée.

Quelques semaines plus tard, Hunyade mourait entre les bras de Capistran. Ce dernier, lui aussi victime de l'épidémie causée par l'accumulation des cadavres, devait le suivre de près dans la tombe. Brisé par les fatigues incessantes de l'apostolat, dans la pleine gloire de son dernier triomphe, âgé de plus de 70 ans, le 23 octobre 1456, il rendait à Dieu sa belle âme de héros.

Tel fut Jean de Capistran: soldat de la Croix, disciple de saint Bernardin, fils de saint François.
Nicolas de Fara, son contemporain et premier biographe, l'appelle: "Un autre Paul enseignant aux nations le royaume de Dieu, faisant triompher le Nom béni de Jésus, repoussant du glaive de la parole les ennemis de la doctrine, ramenant au Christ, vrai pasteur, un nombre incalculable d'hérétiques, de schismatiques, de Juifs et de pécheurs. Heureux, ajoute-t-il, celui qui a peut voir de ses yeux un tel homme: il fut l'astre brillant de notre siècle, la gloire des Frères Mineurs, l'honneur de l'Italie, la force des Hongrois, la terreur des Turcs, l'invincible lutteur et le rempart de la chrétienté."



-Père Bertrand, O.F.M., Moissonneurs franciscains, Librairie Saint-François, Montréal, 1930.